Introduction
Ce buste trône actuellement sur la cheminée d'une partie de l'ancien parloir, l'actuelle salle de réunion.
C'est M. Rouault, suite à une visite de l'établissement, le 30 août dernier, qui nous a mis sur la piste de l'histoire de ce buste et, surtout, du sculpteur qui en est l'auteur : Charles René de Paul de Saint-Marceaux (1845-1915).
Le buste
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En voici quelques extraits assez savoureux :
26 janvier 1895
Félix Faure a été nommé président de la République. Sa fille
Lucie est une femme très intelligente remplie depuis longtemps de grande
amabilité pour moi. Il est question que René fasse le buste du
président.Clairin s’occupe de l’affaire qui semble réussir.
8 mars 1895
Le président Félix Faure a posé aujourd’hui dans l’atelier de
René. J’ai dû rester une partie du temps avec lui. C’est un être sympathique,
son physique est fait pour plaire, c’est ainsi que l’on peut expliquer sa popularité
exagérée. Il a le désir de bien faire. Sa femme est insuffisante comme présidente
de la République. Grosse et bonne bourgeoise elle reste telle qu’elle est, sans
chercher à devenir la femme du monde qu’elle ne saurait devenir. Le président
est rentré à pied chez lui ; sa femme qui était venue le chercher était
dans un coupé à deux chevaux, bien attelé, et sans valet de pied. Le buste de René n’est pas bon. D’une ressemblance banale il
ne donne pas l’aspect du très bel homme qu’est le Président.
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On en trouve, par exemple, un à l'hôtel de ville de Vervins (Aisne) et un à la mairie de Cuy-Saint-Fiacre (Seine Maritime), ou René de Saint-Marceaux est inhumé.
Le buste de Vervins est
une oeuvre de série, éditée par la manufacture de Sèvres. Il reprend un modèle
du sculpteur français d'origine rémoise Charles René de Paul de Saint-Marceaux
(1845-1915), élève de Jouffroy qui, exposant à partir de 1868 au Salon, devient
l'un des grands sculpteurs officiels de la IIIe République. Le buste en marbre
du président Félix Faure fut présenté au Salon SNBA de 1895 sous le numéro 105,
il s'agissait d'une commande du ministère de l'Instruction Publique et des
Beaux-Arts. Ce buste devait commémorer l'accession à la Présidence en 1895 de
Félix Faure et devient l'effigie publique officielle jusqu'en 1899, année de la
mort du Président. Placé au palais de l'Elysée, le buste entre en 1899 dans les
collections de sculpture du musée national de Versailles.
La statue de Vervins est
une réplique, de taille inférieure à l'originale, éditée en série par la
Manufacture de Sèvres à partir de 1896. Celle-ci propose en deux tailles le
modèle de Saint-Marceaux fidèlement reproduit avec sa signature, sa production
ne s'arrête qu'en 1920. La marque 2. 98 nous permet de dater ce buste en
biscuit de l'année 1898 où près de 27 bustes furent commercialisés, ils étaient
l'équivalent des actuelles photographies présidentielles dans les mairies.
Le modèle de Vervins
coûtait 125 francs.
Le musée municipal de
Chalons-sur-Marne conserve aussi un exemplaire en biscuit. L'oeuvre est
actuellement déposée dans la salle dite des archives municipales. Elle
témoigne, outre du talent de portraitiste officiel de René de Paul de
Saint-Marceaux, composant l'image idéale dans sa sérénité et la grandeur
réservée du chef de l'Etat, d'une part importante de l'activité de la
Manufacture de porcelaine de Sèvres, qui comme manufacture nationale avait la
tâche de réaliser et diffuser les portraits, sous diverses formes, des
principaux personnages de l'Etat. (Guiochon Xavier-Philippe – Inventaire
général – Ministère de la Culture – 1999 - Conseil régional de Picardie -
Service de l'Inventaire du patrimoine culturel - 88, rue Gaulthier de Rumilly
80000 Amiens - 03.22.97.16.57)
Le monument funéraire
Quatre ans après avoir sculpté son buste, René de Saint-Marceaux
fut chargé du monument funéraire du président de la République, décédé le 16
février 1899 puis inhumé au cimetière du Père-Lachaise. L’inspiration de l’artiste
évolua. Voulant rappeler le rôle joué par Félix Faure dans l’alliance
franco-russe en 1897, il choisit d’envelopper le président dans le drapeau de
chacun des pays signataires. L’œuvre définitive, en bronze, fut placée et
inaugurée officiellement en juin 1901.
Retrouvons quelques extraits, toujours aussi savoureux, du journal de Marguerite relatifs à ce monument :
19 juin 1899
René cherche son monument pour le tombeau de Félix Faure.
29 juillet 1899
… René a fait le croquis du futur Monument de F. Faure. Le
terrain est en longueur à droite dans l’allée du Père-Lachaise en pente. Il
profite de cette pente pour faire un homme couché et deux femmes debout à ses
pieds. La forme et l’idée sont superbes. Il pourra modifier la chose, mais l’idée
est trouvée.
5 juin 1900
… René achève son Tombeau de Faure. Il est couché la tête
légèrement inclinée la main droite sur les drapeaux de France et de Russie. C’est
beau, très grand et noble…
20 avril 1901
Visite du président de la République au Champ de Mars. René
expose le Tombeau de Faure, la statue d’Alfonse Daudet, les bustes de Pozzi,
Detaille, et la petite tête de sphinx. L’exposition de René est superbe. Ce
Daudet au milieu du jardin est d’une poésie charmante. Le plâtre du tombeau
fait tout à fait bien. Le Président lui adresse de grands compliments ainsi que
Leygues. Rodin a été aussi désagréable que possible. Cet être grossier et
infatué de lui-même est odieux pour les artistes de talent qui ne veulent pas s’aplatir
devant lui. Cette fumisterie finira un jour.