Le budget de l'établissement s'élève alors à 9462 F, dont
3666 F de rétributions d'élèves et 5796 F de subvention versée par la
ville pour combler le déficit.
Les profits du pensionnat ne concernent que le
principal qui n'a pas à en rendre compte. En 1811, ces profits sont de 2450 F (
francs germinal c'est à dire des francs-or). A titre de comparaison, le salaire
annuel du portier du collège est de 180 F. Le prix de pension était de 400 F et
celui de la demi-pension de 220 à 250 F.
Pendant l'été 1811,la nouvelle organisation du collège se
met en place.
Désormais, à chaque classe correspond un régent.
A la rentrée
d'octobre, le Rectorat prévient le Principal que les élèves de
l'institution ecclésiastique devront suivre les cours du collège à partir de la
deuxième année de grammaire (ancienne classe de quatrième). Les autorités devaient
craindre la cohabitation des laïcs et des clercs puisque le Recteur éprouve
le besoin d'ajouter : "Je vous prie d'apporter la plus grande surveillance
pour empêcher que ces élèves et surtout ceux qui portent déjà l'habit
ecclésiastique n'aient à se plaindre des élèves du collège et de punir très
sévèrement ceux de ces derniers qui se permettraient de leur adresser quelque
parole outrageante".
Au printemps 1812, l'obligation de suivre les cours du
collège sera étendue aux élèves de l'école ecclésiastique à partir de la 6°
inclusivement. Décidément, les tâches du Principal s'alourdissaient tandis qu'il
se heurtait à des difficultés matérielles liées à la conjoncture économique.
1812 n'est pas seulement l'année de la désastreuse campagne de Russie ; c'est
aussi une très mauvaise année économique, l'année du "pain cher" où
la France n'est sauvée de la disette que par un convoi américain.
L'on comprend toutefois que, dans ces conditions malaisées,
Fleury, alléguant l'état de santé de sa femme, ait présenté sa démission des
fonctions de principal et de régent de première année d'"humanités"
le 31 juillet 1812.
L'on fit appel, pour le remplacer, à un certain Dubois,
principal du collège de Clermont. S'ensuit alors un "mouvement du
personnel" car l'un des régents, Dallier, part à Avranches. Le collège
accueille donc de nouveaux enseignants:
- Bardoux,d'Abbeville,enseignera en deuxième année d'humanités
- Marminia en première année de grammaire
- Lesueur, prêtre de Beauvais, est nommé provisoirement régent de la chaire de première année d'humanités.
Conséquence d'un dynamisme plus grand de l'établissement ou
plutôt des dispositions prises à l'encontre des écoles privées ou
ecclésiastiques, le nombre d'élèves inscrit au collège s'accrut nettement :
- 180 élèves en 1812 ( 85 pensionnaires, 25 demi-pensionnaires, 70 externes
- 308 élèves en 1813
Deux innovations marquent la rentrée de 1813.
D'abord le
collège a obtenu la chaire de philosophie que son bureau d'administration
réclamait depuis le mois de janvier.
De plus, la ville, "soucieuse de sa
manufacture de tapisserie", a obtenu du Ministère de l'Intérieur le droit
d'adjoindre au collège une école de dessin, à charge pour ses élèves de verser
une rétribution de 12 F par an an qui passera à 30 F en mars 1814.
Sur un plan
administratif, le collège obtenait le statut de collège de plein exercice, ce
qui lui permit d'accueillir des boursiers.
La guérilla avec l'école ecclésiastique ne s'en poursuivait
pas moins.
L'établissement religieux avait aussi pris le nom de
"collège" et cette identité d'appellation entretenait une confusion
que regrettaient les membres du Bureau d'administration. Le bureau s'étonnait
aussi que l'on ait imposé aux élèves des collèges et des lycées le port d'un
uniforme, contrainte coûteuse pour les parents que ne subissaient pas les
élèves de l'école ecclésiastique.
Est-ce par souci de soutenir le collège dans
sa compétition avec l'école ecclésiastique ou pour ranimer le zèle d'un
principal jugé trop négligent que le recteur écrivit à Dubois, en août 1813, pour
l'inciter à veiller à la discipline?
"D'autres fonctionnaires se plaignent
encore, et avec raison, de ce que les élèves sont maîtres de suivre et
d'abandonner les différents cours à leur volonté. Ce qui est du mauvais exemple
et absolument contraire à la bonne discipline. Cela ne peut d'ailleurs que
décourager les régents et les maîtres et il est évident qu'un établissement
dans lequel il existerait un pareil abus ne tarderait pas à décliner et à
déchoir. Je vous recommande en conséquence....d'être toujours en garde contre
la mollesse des parents et contre le penchant des enfants à l'insubordination
et à l'oisiveté. Votre intérêt personnel même doit vous faire sentir que ce
n'est point ici une vaine recommandation et vous savez par votre expérience que
le moyen le plus sûr de faire prospérer un établissement est d'y établir et d'y
faire observer une discipline sévère."
Quoiqu'il en soit, l'année scolaire 1813-1814 s'annonçait
"florissante", pour reprendre les termes de l'époque : augmentation
des effectifs, ouverture de classes nouvelles et de cours nouveaux. Le collège
semblait enfin réussir son "décollage".
C'était compter sans la conjoncture politique...