mardi 2 février 2016

Le Collège, de 1811 à 1813

Le budget de l'établissement s'élève alors à 9462 F, dont 3666 F de rétributions d'élèves et 5796 F  de subvention versée par la ville pour combler le déficit.
Les profits du pensionnat ne concernent que le principal qui n'a pas à en rendre compte. En 1811, ces profits sont de 2450 F ( francs germinal c'est à dire des francs-or). A titre de comparaison, le salaire annuel du portier du collège est de 180 F. Le prix de pension était de 400 F et celui de la demi-pension de 220 à 250 F.

Pendant l'été 1811,la nouvelle organisation du collège se met en place.
Désormais, à chaque classe correspond un régent.
A la rentrée d'octobre,  le Rectorat prévient le Principal que les élèves de l'institution ecclésiastique devront suivre les cours du collège à partir de la deuxième année de grammaire (ancienne classe de quatrième). Les autorités devaient craindre la cohabitation des laïcs et des clercs puisque le Recteur éprouve le besoin d'ajouter : "Je vous prie d'apporter la plus grande surveillance pour empêcher que ces élèves et surtout ceux qui portent déjà l'habit ecclésiastique n'aient à se plaindre des élèves du collège et de punir très sévèrement ceux de ces derniers qui se permettraient de leur adresser quelque parole outrageante".

Au printemps 1812, l'obligation de suivre les cours du collège sera étendue aux élèves de l'école ecclésiastique à partir de la 6° inclusivement. Décidément, les tâches du Principal s'alourdissaient tandis qu'il se heurtait à des difficultés matérielles liées à la conjoncture économique. 1812 n'est pas seulement l'année de la désastreuse campagne de Russie ; c'est aussi une très mauvaise année économique, l'année du "pain cher" où la France n'est sauvée de la disette que par un convoi américain.
L'on comprend toutefois que, dans ces conditions malaisées, Fleury, alléguant l'état de santé de sa femme, ait présenté sa démission des fonctions de principal et de régent de première année d'"humanités" le 31 juillet 1812.
L'on fit appel, pour le remplacer, à un certain Dubois, principal du collège de Clermont. S'ensuit alors un "mouvement du personnel" car l'un des régents, Dallier, part à Avranches. Le collège accueille donc de nouveaux enseignants:
  • Bardoux,d'Abbeville,enseignera en deuxième année d'humanités
  • Marminia en première année de grammaire
  • Lesueur, prêtre de Beauvais, est nommé provisoirement régent de la chaire de première année d'humanités.

Conséquence d'un dynamisme plus grand de l'établissement ou plutôt des dispositions prises à l'encontre des écoles privées ou ecclésiastiques, le nombre d'élèves inscrit au collège s'accrut nettement :
  • 180  élèves en 1812  ( 85 pensionnaires, 25 demi-pensionnaires, 70 externes
  • 308 élèves en 1813

Deux innovations marquent la rentrée de 1813.
D'abord le collège a obtenu la chaire de philosophie que son bureau d'administration réclamait depuis le mois de janvier.
De plus, la ville, "soucieuse de sa manufacture de tapisserie", a obtenu du Ministère de l'Intérieur le droit d'adjoindre au collège une école de dessin, à charge pour ses élèves de verser une rétribution de 12 F par an an qui passera à 30 F en mars 1814.
Sur un plan administratif, le collège obtenait le statut de collège de plein exercice, ce qui lui permit d'accueillir des boursiers.

La guérilla avec l'école ecclésiastique ne s'en poursuivait pas moins.
L'établissement religieux avait aussi pris le nom de "collège" et cette identité d'appellation entretenait une confusion que regrettaient les membres du Bureau d'administration. Le bureau s'étonnait aussi que l'on ait imposé aux élèves des collèges et des lycées le port d'un uniforme, contrainte coûteuse pour les parents que ne subissaient pas les élèves de l'école ecclésiastique.
Est-ce par souci de soutenir le collège dans sa compétition avec l'école ecclésiastique ou pour ranimer le zèle d'un principal jugé trop négligent que le recteur écrivit à Dubois, en août 1813, pour l'inciter à veiller à la discipline?
"D'autres fonctionnaires se plaignent encore, et avec raison, de ce que les élèves sont maîtres de suivre et d'abandonner les différents cours à leur volonté. Ce qui est du mauvais exemple et absolument contraire à la bonne discipline. Cela ne peut d'ailleurs que décourager les régents et les maîtres et il est évident qu'un établissement dans lequel il existerait un pareil abus ne tarderait pas à décliner et à déchoir. Je vous recommande en conséquence....d'être toujours en garde contre la mollesse des parents et contre le penchant des enfants à l'insubordination et à l'oisiveté. Votre intérêt personnel même doit vous faire sentir que ce n'est point ici une vaine recommandation et vous savez par votre expérience que le moyen le plus sûr de faire prospérer un établissement est d'y établir et d'y faire observer une discipline sévère."

Quoiqu'il en soit, l'année scolaire 1813-1814 s'annonçait "florissante", pour reprendre les termes de l'époque : augmentation des effectifs, ouverture de classes nouvelles et de cours nouveaux. Le collège semblait enfin réussir son "décollage".

C'était compter sans la conjoncture politique...