A ses débuts, l'école bute sur deux problèmes :
- un problème financier
- un problème de recrutement
Faute d'argent, les cours ne furent ouverts que
successivement.
En l'an VI (1798), l'argent manquait encore pour payer les
professeurs dont l'un se consolait en écrivant dans le Journal de l'Oise un
"mot de consolation à mes confrères sur le défaut de paiement" :
" D'où naît le sombre ennui qui
parfois vous accable?
C'est, dites-vous, de ne rien
recevoir
Ventre saint gris ! nous devons tous
savoir
Que l'Etat n'est pas insolvable !
..s'il ne peut nous payer...
C'est que, ma foi, nous sommes
impayables."
Toutefois, la situation des enseignants se régularisa et
l'école disposa pour son administration matérielle d'un secrétaire, le citoyen
Poillen.
Le problème du recrutement persista davantage. Les élèves,
tous de sexe masculin, faut-il le préciser, arrivaient à l'école en quittant
les quelques établissements privés tenus alors, pour la plupart, par des maîtres
ecclésiastiques.
Dans une ville restée conservatrice, la clientèle de l'école
paraît avoir été limitée et c'est ainsi que le 14 pluviôse an VI (février 1798)
les professeurs et bibliothécaire de l'école centrale, tout en rendant compte du fonctionnement de
l'établissement, recommandaient aux citoyens administrateurs du département de
l'Oise "d'inviter les divers instituteurs à envoyer leurs écoliers à
l'école centrale".
Bon an mal an, l'école semble avoir accueilli en moyenne de
50 à 70 élèves, y compris des enfants de milieux modestes pour qui la gratuité
des cours avait été sollicitée.
Ces enfants âgés de 12 à 14 ans avaient un père jardinier, employé
municipal, menuisier, tisserand ou dessinateur de la Manufacture ( il
s'agissait de Feldtrappe) et presque toujours de nombreux frères et soeurs. Les
archives départementales ont conservé 18 dossiers de demande d'exemption.
La mise en place d'un internat aurait sana doute permis
d'accroître les effectifs. De
fait, le 11 ventôse an VII (2 mars 1799), l'administration du département, responsable de l'école, répond au ministre de
l'Intérieur qui souhaitait l'établissement d'un pensionnat près de l'école
centrale, qu'elle est convaincue " qu'un pareil établissement est un moyen
puissant et sûr de faire fleurir l'instruction républicaine" mais que les
locaux de l'école sont tous occupés et qu'il y manque une cour et un jardin
pour les jeux et les promenades des élèves. Elle suggère que l'on transforme en
internat de l'Ecole centrale une maison attenante servant d'hôpital militaire
et qui aurait dû, selon une délibération du 14 floréal an VII ( mai 1798), devenir une caserne.
Toutefois ce projet n'aboutit pas.
La 1ère section était ouverte aux enfants de 12 ans et plus.
Elle comportait trois cours:
- dessin
- histoire naturelle
- langues anciennes
Les langues anciennes furent enseignées par un ancien
professeur du collège de Beauvais, Pinchedez, respectable prêtre mais d'aspect
rébarbatif, semble-t-il,
avec son gros bonnet de laine grise, comparable à celui des conducteurs de
diligence, et sa longue houppelande.
La grande originalité de la nouvelle école tenait à la part
réservée à l'enseignement scientifique : histoire naturelle dans la première section, physique et
chimie plus tard. L'histoire naturelle fut enseignée par Joliclerc et Lebrun,
ce dernier" toujours bien frisé et podré à blanc".
Les savants du Museum de Paris s'étaient entendus pour doter
l'Ecole centrale de l'Oise d'enseignants compétents et de collection de
référence. Daubenton, Geoffroy Saint Hilaire, Lamarck donnèrent de nombreuses
séries de leurs spécimens, surtout des insectes et des oiseaux. Lebrun s'était
également adressé à l'Ecole des Mines.
Le cours s'appuyait sur l'étude d'un jardin botanique
considéré comme un instrument indispensable. Il comportait un "jardin
d'instruction", un jardin de plantes médicinales et de plantes de serre
chaude, et une pépinière départementale. Les plantes et les graines provenaient,
soit du Museum, soit de la pépinière du duc de Liancourt ou de celles de
Trianon de Paris ou de dons particuliers.
L'école distribuait des semences à l'extérieur et lorsque
les élèves du cours partaient herboriser dans la campagne, ils étaient
accompagnés par autant d'habitués bénévoles. D'ailleurs Lebrun s'adressait
volontiers aux cultivateurs du département pour leur donner des conseils et
favoriser l'arboriculture dans la région.
Deux jeunes enseignants vinrent de l'Ecole Polytechnique,
récemment créée :
- Jean-Baptiste Biot pour les mathématiques (une rue de Beauvais porte son nom)
- Jean-Louis Roard pour la physique-chimie, dans la deuxième section qui s'adressait aux élèves de 14 ans et plus. L'administration centrale du département avait chargé Cassini de "faire l'achat d'un cabinet de chimie et de physique" qui appartenait à un fermier général parisien. Roard assura le transfert du matériel de Paris à Beauvais et l'école disposait donc d'un laboratoire, d'une salle de produits et d'une collection d'instruments importants, surtout en optique.
A dire vrai, l'intérêt pour cet aspect de l'enseignement était
compréhensible dans le Beauvaisis. Comme le rappelait Cassini dans un rapport au Conseil Général de
l'Oise, "en quel
lieu en France un professeur de chimie doit-il être entendu avec plus d'intérêt
et de fruit qu'à Beauvais où l'art de Berthollet, de Seguin, de Chaptal, leurs
découvertes, leurs procédés, leurs ouvrages, doivent devenir le flambeau et le
manuel des ateliers de teinture, de blanchisserie et de tannerie, si nombreux
dans le département de l'Oise, ateliers qui, sans la connaissance et l'adoption
des procédés chimiques, ne pourraient soutenir la concurrence avec les autres
manufactures de la République".
Cambry , dans sa description de l'Oise, parue en 1803,
rappelle que "le citoyen Roard a tâché d'améliorer les fabriques de
Savignies par de nouveaux mélanges de terres en augmentant les proportions de silex
et diminuant celles de l'argile
; il a ainsi
rendu les cornues moins sujettes à se casser. Il a fait adopter, à l'extrémité
supérieure des fours, une enceinte semi-circulaire faite de substances très peu
conductrices de la chaleur, et parvint par ce moyen à la concentrer dans le
four. Il a réussi à
fabriquer quelques alcarazas (sorte de cruche en terre poreuse) et compte
perfectionner cette année les essais de l'année passée. Il a fait fabriquer des
creusets blancs pour la fonte du cuivre. Les habitants de Savignies et les
manufacturiers du département de l'Oise ont de grandes obligations au citoyen
Roard et lui en auraient encore davantage s'ils avaient employé son zèle, son
activité, ses talents, avec moins d'indifférence".