mercredi 4 septembre 2013

L'école Centrale durant la Révolution

A ses débuts, l'école bute sur deux problèmes
  •       un problème financier
  •      un problème de recrutement

Faute d'argent, les cours ne furent ouverts que successivement.

En l'an VI (1798), l'argent manquait encore pour payer les professeurs dont l'un se consolait en écrivant dans le Journal de l'Oise un "mot de consolation à mes confrères sur le défaut de paiement" :
     " D'où naît le sombre ennui qui parfois vous accable?
       C'est, dites-vous, de ne rien recevoir 
       Ventre saint gris ! nous devons tous savoir 
       Que l'Etat n'est pas insolvable
       ..s'il ne peut nous payer...
       C'est que, ma foi, nous sommes impayables."

Toutefois, la situation des enseignants se régularisa et l'école disposa pour son administration matérielle d'un secrétaire, le citoyen Poillen.

Le problème du recrutement persista davantage. Les élèves, tous de sexe masculin, faut-il le préciser, arrivaient à l'école en quittant les quelques établissements privés tenus alors, pour la plupart, par des maîtres ecclésiastiques. 
Dans une ville restée conservatrice, la clientèle de l'école paraît avoir été limitée et c'est ainsi que le 14 pluviôse an VI (février 1798) les professeurs et bibliothécaire de l'école centrale, tout en rendant compte du fonctionnement de l'établissement, recommandaient aux citoyens administrateurs du département de l'Oise "d'inviter les divers instituteurs à envoyer leurs écoliers à l'école centrale".

Bon an mal an, l'école semble avoir accueilli en moyenne de 50 à 70 élèves, y compris des enfants de milieux modestes pour qui la gratuité des cours avait été sollicitée. Ces enfants âgés de 12 à 14 ans avaient un père jardinier, employé municipal, menuisier, tisserand ou dessinateur de la Manufacture ( il s'agissait de Feldtrappe) et presque toujours de nombreux frères et soeurs. Les archives départementales ont conservé 18 dossiers de demande d'exemption.
La mise en place d'un internat aurait sana doute permis d'accroître les effectifs. De fait, le 11 ventôse an VII (2 mars 1799), l'administration du département, responsable de l'école, répond au ministre de l'Intérieur qui souhaitait l'établissement d'un pensionnat près de l'école centrale, qu'elle est convaincue " qu'un pareil établissement est un moyen puissant et sûr de faire fleurir l'instruction républicaine" mais que les locaux de l'école sont tous occupés et qu'il y manque une cour et un jardin pour les jeux et les promenades des élèves. Elle suggère que l'on transforme en internat de l'Ecole centrale une maison attenante servant d'hôpital militaire et qui aurait dû, selon une délibération du 14 floréal an VII ( mai 1798), devenir une caserne. Toutefois ce projet n'aboutit pas.

La 1ère section était ouverte aux enfants de 12 ans et plus. Elle comportait trois cours:
  •      dessin
  •      histoire naturelle
  •      langues anciennes

 Le cours de dessin paraît avoir toujours été le plus suivi pendant les sept années d'existence de l'école, dans la mesure peut-être où, pour de futurs artisans menuisiers ou dessinateurs de la Manufacture, il avait un rôle de formation pré-professionnelle. Le professeur retenu s'appelait Augustin Van Den Berghe. C'était un élève du peintre Suvée, tous deux originaires de Bruges. Une collection de plâtres avait été réunie dans la " salle  des Antiques" et la salle de dessin était exclusivement destinée à l'enseignement de la discipline. Entre les cours, les élèves pouvaient venir y travailler sous la surveillance d'un "homme de salle" (article 3 du règlement intérieur de l'école). Après  la fermeture de l'école, Augustin Van Den Berghe resta à Beauvais et donna des leçons au collège ainsi qu'à la Manufacture de tapisserie. Son fils devint un peintre d'histoire.

Les langues anciennes furent enseignées par un ancien professeur du collège de Beauvais, Pinchedez, respectable prêtre mais d'aspect rébarbatif, semble-t-il, avec son gros bonnet de laine grise, comparable à celui des conducteurs de diligence, et sa longue houppelande.

La grande originalité de la nouvelle école tenait à la part réservée à l'enseignement scientifique : histoire naturelle dans la première section, physique et chimie plus tard. L'histoire naturelle fut enseignée par Joliclerc et Lebrun, ce dernier"  toujours bien frisé et podré à blanc".
Les savants du Museum de Paris s'étaient entendus pour doter l'Ecole centrale de l'Oise d'enseignants compétents et de collection de référence. Daubenton, Geoffroy Saint Hilaire, Lamarck donnèrent de nombreuses séries de leurs spécimens, surtout des insectes et des oiseaux. Lebrun s'était également adressé à l'Ecole des Mines.
Le cours s'appuyait sur l'étude d'un jardin botanique considéré comme un instrument indispensable. Il comportait un "jardin d'instruction", un jardin de plantes médicinales et de plantes de serre chaude, et une pépinière départementale. Les plantes et les graines provenaient, soit du Museum, soit de la pépinière du duc de Liancourt ou de celles de Trianon de Paris ou de dons particuliers.
L'école distribuait des semences à l'extérieur et lorsque les  élèves du cours partaient herboriser dans la campagne, ils étaient accompagnés par autant d'habitués bénévoles. D'ailleurs Lebrun s'adressait volontiers aux cultivateurs du département pour leur donner des conseils et favoriser l'arboriculture dans la région.

Deux jeunes enseignants vinrent de l'Ecole Polytechnique, récemment créée :
  •      Jean-Baptiste Biot pour les mathématiques (une rue de Beauvais porte son nom)
  •      Jean-Louis Roard pour la physique-chimie, dans la deuxième section qui s'adressait aux élèves de 14 ans et plus. L'administration centrale du département avait chargé Cassini de "faire l'achat d'un cabinet de chimie et de physique" qui appartenait à un fermier général parisien. Roard assura le transfert du matériel de Paris à Beauvais et l'école disposait donc d'un laboratoire, d'une salle de produits et d'une collection d'instruments importants, surtout en optique.


A dire vrai, l'intérêt pour cet aspect de l'enseignement était compréhensible dans le Beauvaisis. Comme le rappelait Cassini dans un rapport au Conseil Général de l'Oise, "en quel lieu en France un professeur de chimie doit-il être entendu avec plus d'intérêt et de fruit qu'à Beauvais où l'art de Berthollet, de Seguin, de Chaptal, leurs découvertes, leurs procédés, leurs ouvrages, doivent devenir le flambeau et le manuel des ateliers de teinture, de blanchisserie et de tannerie, si nombreux dans le département de l'Oise, ateliers qui, sans la connaissance et l'adoption des procédés chimiques, ne pourraient soutenir la concurrence avec les autres manufactures de la République". 
Cambry , dans sa description de l'Oise, parue en 1803, rappelle que "le citoyen Roard a tâché d'améliorer les fabriques de Savignies par de nouveaux mélanges de terres en augmentant les proportions de silex et diminuant celles de l'argile ; il a ainsi rendu les cornues moins sujettes à se casser. Il a fait adopter, à l'extrémité supérieure des fours, une enceinte semi-circulaire faite de substances très peu conductrices de la chaleur, et parvint par ce moyen à la concentrer dans le four. Il a réussi à fabriquer quelques alcarazas (sorte de cruche en terre poreuse) et compte perfectionner cette année les essais de l'année passée. Il a fait fabriquer des creusets blancs pour la fonte du cuivre. Les habitants de Savignies et les manufacturiers du département de l'Oise ont de grandes obligations au citoyen Roard et lui en auraient encore davantage s'ils avaient employé son zèle, son activité, ses talents, avec moins d'indifférence".

Quant au professeur de mathématiques, Jean-Baptiste Biot, âgé de 22ans, il se maria à Beauvais avec la fille d'un ancien maire de la ville, exerça quatre ans à l'école, puis partit enseigner au Collège de France et devint un astronome réputé. Biot a reconnu l'origine céleste des météorites, effectué en 1806, avec Arago, les premières mesures précises sur la densité des gaz, découvert en 1815 le pouvoir rotatoire de certains liquides et créé le saccarimètre. En 1820, il a déterminé avec Savart la valeur du champ magnétique engendré par un courant rectiligne et donné la loi du